LES VERSETS SATANIQUES

La connaissance du bon et du mauvais

 

L’interprétation jéhoviste des chapitres 2 et 3 de la Genèse n’est en rien exceptionnelle. On la retrouve (par certains aspects) dans les notes de la Bible de Jérusalem, par exemple. La différence fondamentale, c’est que les catholiques ne lisent dans ces versets qu’une « histoire religieuse », et pas de l’Histoire (avec un grand « H »).

 

Voici comment les TdJ interprètent ce récit :

La décision d’Adam et Ève de désobéir au commandement de Dieu était un défi à sa souveraineté. Ève voulait “connaître”, c’est-à-dire juger et décider par elle-même, “être comme Dieu”. Adam se joignit à elle et affirma, lui aussi, sa complète autonomie morale (Gen. 3:5, 6, 22). Tous deux refusèrent donc de reconnaître leur condition de créatures. Ils ne manifestèrent aucun amour, aucune reconnaissance pour ce que Dieu avait fait pour eux, et ils s’arrogèrent des prérogatives qui n’appartenaient qu’à Dieu seul en tant que Créateur et Propriétaire de la terre, Soutien de la vie et Souverain universel. - Tour de Garde du 15 janvier 1978 - p.11

 

Ou encore le livre « Étude perspicace des Écritures » (je souris toujours face à l’immodestie de ce titre), page 1011, qui cite la fameuse note de la Jérusalem :

(Ce que représentait l’arbre est bien exprimé dans une note de la Bible de Jérusalem sur Genèse 2:17 :

“ Cette connaissance est un privilège que Dieu se réserve et que l’homme usurpera par le péché - Gen. 3:5, 22. Ce n’est donc ni l’omniscience, que l’homme déchu ne possède pas, ni le discernement moral, qu’avait déjà l’homme innocent et que Dieu ne peut pas refuser à sa créature raisonnable. C’est la faculté de décider soi-même ce qui est bien et mal et d’agir en conséquence, une revendication d’autonomie morale par laquelle l’homme renie son état de créature […]. Le premier péché a été un attentat à la souveraineté de Dieu, une faute d’orgueil.

 

Pour les TdJ, la souveraineté de YHWH est LE thème central autour duquel est construite toute la Bible. Une des prérogative de cette souveraineté est le droit de décider (de « connaitre ») le bien et le mal. Personne d’autre n’a ce droit.

 

Et pourtant… Genèse 3,23 :

« Puis Jéhovah Dieu dit : “ Voici que l’homme est devenu comme l’un de nous en connaissant le bon et le mauvais ; et maintenant, de peur qu’il n’avance sa main et vraiment ne prenne aussi [du fruit] de l’arbre de vie et ne mange et ne vive pour des temps indéfinis… ” ».
 
D’après la Bible, la connaissance du bon et du mauvais n’est donc PAS une prérogative de Dieu. YHWH lui-même reconnait que d’autres personnes, à qui il s’adresse ici sans qu’elles soient identifiées, connaissent elles aussi le bon et le mauvais. Mais qui sont donc ces gens qui jouissent de « l’autonomie morale », par delà la « souveraineté universelle » de YHWH ? Autant les rédacteurs de la Jérusalem (catholiques trinitaires) n’auront aucune difficulté avec ce verset, autant les TdJ…
 
Le retour de Samuel

Petit problème pour les TdJ. Pour eux quand on est dans le schéol, rien ne survit : il n’y a plus de connaissance, plus la moindre forme de conscience chez un mort. Ils réciteront sans aucune peine les versets qui les confirmeront dans ces convictions. Mais il y a d’autres versets, qui ne disent pas tout à fait ça : I Samuel 28,10-20 : 

" 8Alors Saül se déguisa, il revêtit d’autres vêtements et partit, lui et deux hommes avec lui ; ils arrivèrent de nuit chez la femme. Et il dit : “ S’il te plaît, exerce pour moi la divination au moyen du pouvoir médiumnique et fais-moi monter celui que je vais t’indiquer. ” 9 Mais la femme lui dit : “ Voyons, tu sais bien toi-même ce qu’a fait Saül, comment il a retranché du pays les médiums et les gens qui font métier de prédire les événements. Pourquoi donc agis-tu comme quelqu’un qui tend un piège à mon âme pour me faire mettre à mort ? ” 10 Aussitôt Saül lui jura par Jéhovah, en disant : “ Aussi vrai que Jéhovah est vivant, il ne t’arrivera pas de culpabilité pour la faute dans cette affaire. ” 11 Alors la femme dit : “ Qui dois-je te faire monter ? ” À quoi il dit : “ Fais-moi monter Samuel. ” 12 Lorsque la femme vit “ Samuel ”, elle se mit à crier de toute la force de sa voix ; puis la femme dit à Saül : “ Pourquoi m’as-tu dupée, alors que toi, tu es Saül ? ” 13 Cependant le roi lui dit : “ N’aie pas peur ; mais qu’as-tu vu ? ” Et la femme dit à Saül : “ J’ai vu un dieu qui montait de la terre. ” 14 Aussitôt il lui dit : “ Quelle est sa forme ? ” À quoi elle dit : “ C’est un homme âgé qui monte, et il s’est couvert d’un manteau sans manches. ” Et Saül reconnut que c’était “Samuel” ; alors il s’inclina, la face contre terre, et se prosterna.

15 “Samuel” dit alors à Saül : “ Pourquoi m’as-tu troublé en me faisant monter ? ” À quoi Saül dit : “ Je suis dans une situation très critique, car les Philistins combattent contre moi, et Dieu lui-même s’est retiré de moi, il ne m’a plus répondu, ni par le moyen des prophètes ni par les rêves ; si bien que je t’appelle pour que tu me fasses savoir ce que je dois faire. ”16 “Samuel” dit encore : “ Pourquoi donc m’interroges-tu, alors que Jéhovah, lui, s’est retiré de toi et qu’il est ton adversaire ? 17 Jéhovah fera pour lui-même comme il l’a dit par mon moyen ; Jéhovah arrachera de ta main le royaume et le donnera à ton semblable, [à] David. 18 Parce que tu n’as pas obéi à la voix de Jéhovah et que tu n’as pas exécuté sa colère ardente contre Amaleq, c’est pour cela que Jéhovah te fera à coup sûr cette chose en ce jour. 19 Et, avec toi, Jéhovah livrera aussi Israël en la main des Philistins ; demain, toi et tes fils, vous serez avec moi. Le camp d’Israël aussi, Jéhovah le livrera en la main des Philistins. ”20 Et Saül aussitôt tomba à terre de tout son long et eut alors très peur à cause des paroles de “Samuel”. De plus, il n’y avait pas de force en lui, car il n’avait pas mangé de nourriture de tout le jour et de toute la nuit. "

 

Ici, on ne peut s’empêcher de sourire. Les traducteurs de la TMN auraient pu mettre à peu près autant de guillemets qu’ils auraient souhaité à chaque fois que la BIBLE parle de SAMUEL, ça ne changerait rien à ce qui est bel et bien écrit dans le texte !

Les TdJ se racontent une petite histoire lorsqu’ils lisent ces versets : en fait ce ne serait pas Samuel lui-même (qui est mort, donc) mais un démon qui se fait passer pour Samuel et qui parle à sa place : d’où toutes ces guillemets chaque fois qu’il est écrit « Samuel » (cf. l’article « Spiritisme » dans « Étude perspicace » page 1014). Cette interprétation n’est pas, encore une fois, exceptionnelle, et on la retrouve dans d’autres Églises. Elle n’en reste pas moins parfaitement gratuite : il n’y a rien, absolument rien, pas le début du quart d’un indice dans le texte qui valide cette lecture : le néant complet !

La Bible dit sans aucune ambigüité que c’est Samuel, mais les Témoins de Jéhovah s’en fichent. Eux, ils ont décidé que ce n’était pas Samuel, ils savent quand même mieux que le rédacteur biblique, non ? Quelle est donc la différence entre les TJ et « les méchantes Églises », auxquelles ils reprochent de « choisir » leurs versets en fonction de leurs dogmes ?

 

Les sacrifices d’enfants

Parfois le rajout de guillemets aux versets qui les dérangent n’est pas suffisant pour les TJ : les rédacteurs de la Bible furent vraiment trop mauvais et ce qu’ils ont écrit trop tordu, et il faut carrément retoucher leurs mots, pour savoir ce qu’ils voulaient dire « en vrai » (et qu’ils étaient visiblement incapables —malgré l’inspiration— d’exprimer correctement). C’est le cas d’Ézechiel. On lit dans la TMN en 20,25-26 :

25 Et moi j’ai aussi permis qu’ils aient des prescriptions qui n’étaient pas bonnes et des décisions judiciaires par lesquelles ils ne pouvaient pas rester en vie. 26 Et je les laissais se souiller par leurs dons quand [ils] faisaient passer [par le feu] tout enfant qui ouvre la matrice, afin que je les mette en désolation, afin qu’ils sachent que je suis Jéhovah.
 

Mais que lit-on dans les notes en bas de page de la TMN, au sujet des deux expressions que j’ai mises en gras ?

-« J’ai aussi permis qu’ils aient » traduit en fait une phrase qui signifie littéralement « Je leur ai aussi donné »
-« Je les laissais se souiller » traduit de son côté une phrase qui signifie littéralement « Je les souillais ».

 

Relisons donc les phrases de YHWH, telles qu’elles apparaissent vraiment dans le texte original :

25 Et moi je leur ai aussi donné des prescriptions qui n’étaient pas bonnes et des décisions judiciaires par lesquelles ils ne pouvaient pas rester en vie. 26 Et je les souillais par leurs dons quand [ils] faisaient passer [par le feu] tout enfant qui ouvre la matrice, afin que je les mette en désolation, afin qu’ils sachent que je suis Jéhovah.
 

Le Dieu qui s’est juste contenté de « laisser faire » dans la TMN, devient maintenant l’acteur principal de la souillure des Hébreux ! Ni plus ni moins. [1]

 

Ici, c’est clair : on refuse purement et simplement de traduire le texte hébreu au profit de sa petite interprétation à soi. La théologie et la doctrine prennent le pas sur la véritable traduction.

Quand on pense que 99% des TJ sont absolument persuadés qu’il n’y a pas de traduction plus honnête que la leur, ça laisse songeur…

 

La Parole de Dieu ?

On l’a vu, parfois il vaut mieux ne pas lire de trop prêt la « Sainte Parole de Dieu » quand on est un fondamentaliste. Tout n’y est pas lisse, tout n’y est pas beau, et tout n’y est surtout pas compatible avec les certitudes théologiques qu’ont aujourd’hui les TJ. Donc, comme les trois célèbres singe, on ne les voit pas, on ne les écoute pas, on n’en parle pas. On aurait pu citer d’autres versets, :


-tel ceux de Lévitique 27,28-29 qui expliquent sans détours comment doit se faire un sacrifice humain (et on en voit une mise en pratique en Nb 21,2-3),
-la triste histoire de la fille de Jephté, où là encore les TJ aiment à se raconter une jolie histoire avec « happy end », au lieu de se contenter de lire ce qui est réellement écrit,
-ou encore la législation concernant l’esclavage sexuel des filles (Ex 21,7-11).
-voire même, dans les Évangiles, le passage où Jésus parle très librement d’un mort qui se retrouve dans un enfer qui ressemble furieusement à celui que décrivent les Églises apostates (Luc 16,19-31).

 

Le seul avantage que je reconnais aux TJ, c’est qu’en écrivant ce texte, je ne risque pas, contrairement à l’écrivain à qui je rends hommage par ce titre, d’être victime d’une fatwa. On trouve donc des fanatiques plus dangereux que les TJ, certes. Ils ont au moins le mérite, s’ils lancent toujours un très morbide « Dieu reconnaitra les siens », de ne pas se sentir obliger de crier pour l’introduire un « Tuez-les tous ! »

 

Mais tout de même, lorsqu’on constate la légèreté avec laquelle ils s’autorisent à traiter la parole de Dieu, espérons, pour eux aussi, que YHWH soit un peu plus clément que ce qu’ils prêchent !


Notes :

[1] À la lecture de ces versets, on comprend que la loi du rachat des premiers-nés n’a sans doute pas toujours eu cours en Israël (Nb 18,15-7), et qu’à l’époque d’Ézechiel, manifestement, on se souvient encore des sacrifices d’enfants à YHWH perpétrés dans le passé.

 

Le 16 mars 2009 par Ivan K.

Source : http://www.tj-revelation.org