ACCORD AMIABLE AVEC LE GOUVERNEMENT BULGARE EN 1998

Dans un processus global de tentative par l'organisation des Témoins de Jéhovah d'accession à la reconnaissance juridique en Europe, la Société Watch Tower fut amenée, dans le cadre de l'affaire dite du sang bulgare à la fin des années 1990, à signer un document mensonger devant la Commission européenne des droits de l'homme, dans lequel elle affirmait en termes explicites ne pas sanctionner ses adeptes s'ils acceptaient une transfusion sanguine. Ceux qui eurent connaissance de ces documents, qu'il s'agisse de la Commission européenne, des médias ou autres, crurent donc logiquement que la Watch Tower avait changé de position en rapport avec les transfusions. Or, il s'avéra ultérieurement que sa politique n'avait pas changé, et donc que l'organisation jéhoviste s'était parjurée. Ce cas démontre que cette dernière est prête à mentir quand ses propres intérêts sont en jeu, illustrant le fait que la "stratégie de guerre théocratique" élaborée dans les années 1930 est toujours d'actualité. Un échec de sa part aurait remis en cause le processus global de reconnaissance des Témoins de Jéhovah en Europe et aurait même pu servir de jurisprudence pour une remise en cause dans les pays où sa reconnaissance était déjà acquise.

 

Sommaire
1 Chronologie
2 Engagement de la Watch Tower selon les documents officiels
3 Réactions
4 Réponse de la Watch Tower
5 Conséquences et critiques
6 Ressources sur le sujet
7 Références

Chronologie
Le 28 juin 1994, le Conseil bulgare des ministres refusa de renouveler l'inscription de la Watch Tower comme religion. Les deux questions principales motivant cette décision étaient d'une part la doctrine relative au rejet du service militaire (qui avait alors récemment changé), et d'autre part l'interdiction pour les adeptes et leurs enfants de recevoir des transfusions sanguines. Suite à cette décision de refuser l'enregistrement, plusieurs mesures furent à l'encontre des activités des Témoins de Jéhovah, dont des arrestations, des perturbations des réunions et la confiscation de matériel religieux. De ce fait, la Watch Tower avait déposé une plainte contre la Bulgarie, et afin d'éviter un procès, un accord amiable fut proposé en 1997 : si la branche bulgare du mouvement donnait des garanties en rapport avec les deux sujets de préoccupation mentionnés ci-dessus, elle serait enregistrée comme religion, et ainsi les poursuites pourraient être abandonnées. 

Ainsi, les autorités estimaient que les Témoins ne devaient pas être contraints de renoncer à un traitement salvateur face à la menace d'être excommuniés. De ce fait, afin d'être reconnue comme une organisation religieuse en Bulgarie, la Société Watch Tower dut donner l'assurance qu'en matière de transfusions sanguines, les membres bénéficiaient d'une totale liberté de choix pour eux-mêmes et leurs enfants, et ceci sans aucun contrôle ni sanction de sa part. Ce genre de déclaration fut même incorporée aux statuts de sa charte.

En conséquence, le 9 mars 1997, la Commission européenne des droits de l'homme décida d'accepter le règlement à l'amiable convenu entre l'Association chrétienne des Témoins de Jéhovah et le gouvernement bulgare. Le 20 mars 1998, cette décision fut communiquée aux avocats de l’organisation jéhoviste, qui incluaient le lobbyiste Alain Garay.

Toutefois, dès 1997, le site Associated Jehovah's Witness Reform on Blood (AJWRB), qui examina les documents disponibles sur le site de la Commission européenne sur les droits de l'homme, constata et fit savoir que les dirigeants de la Société Watch Tower avaient manifestement fait une promesse trompeuse — à moins que la doctrine n'ait évolué —, ayant convenu, dans un document qui les engageaient juridiquement, de permettre aux adeptes une liberté de choix en rapport avec les transfusions sanguines.


Engagement de la Watch Tower selon les documents officiels
Plusieurs documents officiels font état de l'engagement auquel la Watch Tower a accepté de souscrire pour être reconnue comme religion. Par exemple, dans sa décision du 3 juillet 1997 de déclarer recevable l'application relative au contentieux opposant les Témoins de Jéhovah bulgares au gouvernement du pays, la Commission européenne des droits de l'homme déclara :


"En rapport avec le refus de la transfusion sanguine, l'association requérante [l'association des Témoins de Bulgarie] suggère que, tout en faisant partie de la doctrine religieuse des Témoins de Jéhovah, son acceptation dépend d'un choix personnel des individus concernés. Il n'y a pas de sanctions religieuses pour un Témoin de Jéhovah qui choisit d'accepter une transfusion de sang (...), chaque individu étant libre de son choix."

Scans des pages 1, 22 et 23 :



De même, dans la note d'information n°148, le communiqué du secrétaire à la Commission européenne des droits de l'homme, lors de la 276è session de la Commission qui s'est tenue en mars 1998 à Strasbourg, rapportait ceci :


"La requérante [l'association chrétienne des Témoins de Jéhovah de Bulgarie] s'est engagée à l'égard de sa position sur les transfusions sanguines de rédiger une déclaration à inclure dans ses statuts prévoyant que les membres devraient avoir le libre choix en la matière pour eux-mêmes et leurs enfants, sans aucun contrôle ni sanction de la part de l'association."

(Original en anglais : "The applicant undertook with regard to its stance on blood transfusions to draft a statement for inclusion it its statutes providing that members should have free choice in the matter for themselves and their children, without any control or sanction on the part of the association.")

 

Scans de deux des pages :



Enfin, le rapport de la Commission européenne des droits de l'homme (application n°28626/95, intitulée "Khristiansko Sdruzhenie "Svideteli Na Iehova" [Christian Association Jehovah's Witensses] against Bulgaria"), adopté le 9 mars 1998, fournissait les détails des engagements de la Watch Tower :


"II. Concernant la position des Témoins de Jéhovah sur le sang, la requérante s'engage à rédiger une déclaration, qui sera annexée de façon intégrante aux statuts des Témoins de Jéhovah de Bulgarie en vue de son immatriculation, stipulant que :
2.1. – les patients Témoins de Jéhovah recourent systématiquement aux soins médicaux pour eux-mêmes et pour leurs enfants; il appartient à chacun d'entre eux d'utiliser son libre arbitre, sans aucun contrôle et sanction de la part de la requérante;
2.2. – s'agissant du respect de la législation sanitaire bulgare, l'association chrétienne les Témoins de Jéhovah de Bulgarie s'engage à respecter son application, y compris :
2.2.1. – en ne fournissant pas de déclaration préalable de refus de transfusion de sang aux personnes mineures;
2.2.2. – en ce qui concerne les personnes majeures, en observant les dispositions de ladite association et en reconnaissant à chaque individu la liberté de choix."

 

Scans des pages 1, 7 et 8 :



Réactions

Ayant pris note de l'engagement de la Watch Tower en Bulgarie, l'association AJWRB chercha à éclaircir la position officielle de la Watch Tower sur la question des transfusions, et envoya donc au siège de Brooklyn en mars 1998 un courrier qui resta sans réponse, puis fit une nouvelle tentative le mois suivant. Voici ce que ce dernier courrier disait :

 

_______________________________

 

 

TÉMOINS DE JÉHOVAH ASSOCIÉS POUR LA RÉFORME SUR LE SANG

PO Box 190089 - Boise, ID 83719-0089 - États-Unis
Site Web : E-mail http://www.visiworld.com/starter/newlight/jwreformers@anon.nymserver.com

 

23 avril 1998

Collège Central des Témoins de Jéhovah
Watchtower Bible & Tract Society
25 Columbia Heights
Brooklyn, NY 11201-2483

 

RE: Nouvelle politique sur le sang en Bulgarie

Transmis via Federal Express avec accusé de réception

 

"Chers frères : Nous n'avons pas reçu votre réponse à notre lettre du 15 mars 1998, et nous ne pouvons que supposer que vous n'avez pas l'intention d’y répondre. A moins d’une réponse, nous procéderons comme nous l'avons souligné dans notre correspondance. Il est venu à notre attention que vous avez conclu un accord avec le gouvernement de la Bulgarie concernant la modification de votre politique sur le sang. L'information est disponible pour tout le monde sur le site web de la Commission européenne des droits de l'homme, et la déclaration en question se lit ainsi :
"La requérante [Watch Tower] s'est engagée à l'égard de sa position sur les transfusions sanguines de rédiger une déclaration à inscrire dans ses statuts prévoyant que les membres devraient avoir le libre choix en la matière pour eux-mêmes et leurs enfants, sans aucun contrôle ni sanction de la part de l'association ». (C'est nous qui soulignons) http://194.250.50.201/eng/E276INFO.148.html

Nous demandons des éclaircissements de votre part sur ce statut. Veuillez nous expliquer :
Est-ce que ce statut reflète en fait la politique actuelle sur le sang en Bulgarie ?
Si un frère ou une sœur faisait un choix en conscience d'accepter une transfusion sanguine, y aurait-il une annonce faite à la congrégation ?
Est-ce que la Watch Tower maintient une politique sur le sang pour la Bulgarie, et une autre pour le reste du monde ?
Comment les Témoins seront-ils avisés de ce changement ?
Est-ce que la Watch Tower continue à dépeindre l'utilisation de sang sous un jour défavorable, favorisant ainsi une adhésion continue à cette politique en dépit du fait que l'utilisation de sang ne constitue plus un péché méritant des actions ou des sanctions par les congrégations membres de l'association ?
Est-ce qu'un frère qui sert comme un ancien, et qui permet que son enfant reçoive une transfusion sanguine, peut continuer à servir en tant qu’ancien ? Qu'en est-il d'un pionnier, d'un assistant ministériel, d’un travailleur du Béthel, etc ?

Si vous avez l'intention de modifier ou d'abandonner la doctrine sur le sang, nous allons collaborer avec vous et travaillez à minimiser les effets du changement sur les membres de l'organisation. Si, d'autre part, il s'agit d'une ruse ou stratagème — une stratégie théocratique comme vous pourriez être tentés de dire — nous émettrons un communiqué de presse, et communiquerons avec le conseil et le gouvernement de Bulgarie. La politique sur le sang était déjà dépourvue de tout fondement crédible, mais vous avez certainement fourni un coup auto-infligé mortel à la politique.

Il est important que vous communiquiez avec nous au sujet de vos intentions, car nous sommes dans le processus de montage final pour la publication d'articles dans diverses revues et publications. Nous ne voulons pas que ce processus soit plus douloureux pour la Société que ce qui est absolument nécessaire, mais vous devez coopérer avec nous, ou il y aura un débordement d'activité des médias dans les mois à venir. Aidez-nous à vous aider.

Compte tenu de votre passé politique de refuser de communiquer avec nous, nous vous avisons officiellement que la Commission européenne des droits de l'homme a publié que la politique sur le sang de la Watch Tower en Bulgarie a été effectivement abandonnée. Si vous n'êtes pas d'accord, si vous avez l'intention de clamer que le sujet a été déformé par votre conseiller juridique ou par les représentants européens, nous exigeons une réponse à cette enquête.

Si nous ne recevons pas de réponse de vous avant le 1er mai 1998, nous conclurons que vous acceptez la déclaration de la Commission comme étant la politique actuelle de la Watch Tower, et cette lettre sera distribuée avec un communiqué de presse dans le monde entier.

 

Vos frères,

Les Témoins de Jéhovah associés sur la réforme sur le sang

 

_______________________________

 

 

Dans un premier temps, certains médias crurent que la déclaration des Témoins de Jéhovah au gouvernement bulgare signifiait pour le mouvement l'abandon de l'interdiction des transfusions sanguines. Ce fut le cas en premier du Time de Londres dans son édition du 14 juin 2000. Deux jours plus tard, la nouvelle fut relayée dans le monde francophone par le journal belge Le Soir qui, sous le sous-titre "Vers la levée d'une interdiction des transfusions — Les Témoins de Jéhovah "s'adaptent"", déclarait :[1] 
"C'est une véritable révolution pour les Témoins de Jéhovah pour autant que l'interdiction soit effectivement appliquée dans les faits : les fidèles de la Tour de garde qui accepteraient des transfusions sanguines ne seront plus automatiquement "excommuniés". (...) La mesure doit encore franchir le cap des différentes "églises" locales. Ce qui impliquera aussi qu'il faudra remettre à jour nombre de sites internet qui détaillent longuement pourquoi les Témoins doivent absolument refuser les transfusions sanguines, moult références bibliques à l'appui. (...)"


De plus, des individus, ayant pris connaissance de tels articles, demandèrent à leur tour des explications au siège de la Watch Tower au sujet d'un éventuel changement de politique que l'accord avec la Bulgarie semblait inaugurer. Ainsi, on peut remarquer que la formulation explicite a amené beaucoup, y compris la Commission européenne des droits de l’homme, à penser que la Watch Tower avait révisé sa doctrine sur le sang.


Réponse de la Watch Tower

Toutefois, dans un communiqué de presse daté du 27 avril 1998, les représentants de la Watch Tower annoncèrent officiellement que la doctrine relative au rejet des transfusions sanguines n'avait pas changé, mais qu'ils n'empêchaient pas les adeptes de les accepter. En effet, ce communiqué disait notamment ceci :

 

"(...)

L'accord comprend également une reconnaissance du fait que chaque individu a la liberté de choisir le type de traitement médical qu'il reçoit. Avec cet accord amiable, les Témoins furent d'accord pour retirer leur plainte contre la Bulgarie.

Les Témoins de Jéhovah sont heureux qu'à travers une communication ouverte, un accord amiable fut réalisé entre l'Association chrétienne des Témoins de Jéhovah et le gouvernement de Bulgarie. Les termes de l'accord ne reflètent pas un changement dans la doctrine des Témoins de Jéhovah. Plutôt, l'accord reflète une compréhension plus grande des préoccupations et des actions de chaque partie.

(...)"



Autrement dit, malgré l'accord passé, les individus n'avaient toujours pas la "liberté de choisir" une transfusion sanguine s'ils voulaient rester adeptes. C'est ce qu'expliqua le journaliste finlandais Pasi Turunen dans son email daté du 27 avril 1998, adressé à l'AJWRB, qui expliquait ceci :


"Il y a deux jours, sur une station de radio locale chrétienne, il y eut un débat dans lequel un membre local de la filiale de la Watch Tower fut interviewé. Il y eut également une discussion sur le sang et sur le cas de la Bulgarie et j'ai décidé de vous informer sur certaines observations que j'ai faites.

Il semble que les dirigeants de la Watch Tower interprètent les mots et les textes à leur manière. Voici ma citation à peu près mot pour mot sur la façon dont ce dirigeant jéhoviste finlandais a commenté le cas en Bulgarie :
 "(...) Cette affaire par la Bulgarie est telle que lorsque la Cour européenne des droits de l'homme a donné il y a deux semaines une décision, [à savoir] que le gouvernement bulgare doit enregistrer les Témoins de Jéhovah, que les Témoins de Jéhovah ne peuvent pas être considérés comme une secte ou une religion destructrice, ainsi les Témoins de Jéhovah ne disent pas ce qu'un individu en particulier fait, donc cet accord signifie que chaque individu a une pleine liberté de conscience à agir, et les Témoins de Jéhovah ne disent pas d'une manière centralisée ce que quelqu'un fait ou ne fait pas. Et c'est ça que signifie cette affaire."

Il a dit cela et d'autres choses relatives à cette affaire de la Bulgarie de telle sorte qu'il semblait que rien n'ait changé. Comme si à tous les instants chaque TJ avait eu une liberté individuelle de conscience de faire ce qu'il veut. Aucune contrainte de la Société. Tout le monde choisit librement de ne pas prendre des transfusions. J'espère que vous avez compris mes propos.

Si la décision bulgare est interprétée de cette façon par la Société, cela signifie que la Société est en train de bluffer de façon considérable. Dans ce cas, il devrait être demandé à la Société d'utiliser un langage qui ne peut pas être ouvert à des interprétations diverses car les mots semblent signifier tout autre chose à la Société que ce qu'ils signifient pour un lecteur normal.

Je crains que cette interprétation puisse refléter la façon dont la Société est en train de considérer le cas de la Bulgarie. Rien ne change. C'est juste un autre léger tour de passe-main de la Société."


Ceux qui avaient écrit à la Watch Tower concernant un possible changement de politique en rapport avec le sang, étant donné l'engagement pris avec le gouvernement bulgare, reçurent une réponse de la part de l'organisation jéhoviste dont la substance peut être résumée au travers de celle qui était datée du 27 août 1998 qui disait :

 

"Cher ami,

Nous sommes heureux de répondre à votre lettre reçue le 6 août 1998. Vous demandez des renseignements en rapport avec les enseignements des Témoins de Jéhovah concernant les transfusions sanguines et si notre position a changé au vu de l'accord amiable établi entre les Témoins de Jéhovah et le gouvernement de Bulgarie.

(...)

L'accord inclut aussi la connaissance que chaque individu a la liberté de choisir le type de traitement médical qu'il reçoit.

Est-ce que cet arrangement signifie que les Témoins de Jéhovah ont changé leur position en rapport avec les traitements médicaux ? Non. La formulation qui doit être incorporée dans les statuts de l'Association chrétienne des Témoins de Jéhovah de Bulgarie décrit la manière dont les Témoins de Jéhovah ont traditionnellement traité ces questions. Il est important de comprendre que les Témoins de Jéhovah croient que tous les gens ont la liberté de déterminer quels choix ils font, non pas seulement en rapport avec le traitement médical, mais avec tous les choix de vie, dont la religion. Chaque individu est responsable de ses propres choix de vie et les répercussions de ses choix. En tant qu'organisation religieuse, nous expliquons les normes bibliques, telles que l'exigence de s'abstenir du sang, mais il appartient à chaque personne de choisir de les suivre ou pas. Avant qu'une personne ne devienne Témoin de Jéhovah, les normes bibliques sont clairement expliquées. Bien sûr, si quelqu'un, en tant que membre baptisé des Témoins de Jéhovah, s'engage dans une conduite qui s'inscrit hors des normes bibliques, des efforts sont faits avec bonté pour aider le pécheur à se rétablir spirituellement. Si quelqu'un refuse une telle assistance et refuse de défendre les normes bibliques, notamment celles en rapport avec le mauvais usage du sang, alors cela peut de temps en temps conduire à une action biblique d'excommunication. — 1 Corinthiens 5:11-13.

Une fois de plus, les Témoins de Jéhovah croient que tous les gens ont la liberté de déterminer quels choix ils font, et l'accord amiable atteint avec le gouvernement de Bulgarie reconnaît simplement cette liberté de choix. Certains ont mal compris la formulation de cet accord, croyant qu'il s'agissait d'un changement de la part des Témoins de Jéhovah. Toutefois, cet accord décrit la façon dont les Témoins de Jéhovah ont traditionnellement traité ces questions."



De même, une lettre de la Watch Tower datée du 16 juin 2000 fut envoyée à tous les Comités de liaison hospitalier, réaffirmant que rien n'avait changé en rapport avec la doctrine relative au sang, et que les médias avaient mal interprété l'accord passé avec le gouvernement bulgare :


"Chers frères,

Un article a été publié dans l'édition du 14 juin 2000 du Time de Londres comme quoi les Témoins de Jéhovah avaient changé leur position sur les transfusions de sang. Cet article est incorrect.

Nous fournissons la déclaration ci-dessous qui indique clairement notre position sur la question. Il n'est pas nécessaire de diffuser cette information aux médecins, aux hôpitaux, ou autres. Elle est fournie pour votre information et une utilisation uniquement dans le cas où vous recevez une demande.
"La Bible commande aux chrétiens de "s'abstenir... du sang" (Actes 15:20). Les Témoins de Jéhovah croient qu'il n'est pas possible de s'abstenir du sang et d'accepter des transfusions de sang. Ils ont, de façon consistante, refusé les donneurs de sang même depuis que les transfusions ont largement commencé à être utilisées dans la pratique médicale civile dans les années 1940, et cette position biblique n'a pas changé.
Si un Témoin de Jéhovah accepte une transfusion de sang, puis plus tard regrette son action, cela serait considéré comme une question sérieuse. Une assistance spirituelle serait proposée pour aider cette personne à regagner la force spirituelle. Cette position n'a pas changé.
Si un membre baptisé de la foi accepte volontairement et sans regret une transfusion de sang, il indique par ses propres actions qu'il ne désire plus être Témoin de Jéhovah. L'individu n'est plus regardé comme un membre de la congrégation chrétienne parce qu'il n'accepte plus et ne suit plus l'interdit biblique de s'abstenir du sang. Toutefois, si un tel individu change d'état d'esprit par la suite, il peut être accepté à nouveau comme Témoin de Jéhovah. Cette position n'a pas changé.
Les Témoins de Jéhovah cherchent des soins médicaux de qualité et acceptent les alternatives médicales aux transfusions de sang. Une aide est donnée aux membres pour les aider à obtenir un traitement médical qui respecte leurs convictions religieuses."

(...)"


Au même moment, la Watch Tower fit paraître un communiqué destiné aux médias réaffirmant sa position traditionnelle sur le sang.

Ainsi, il semblait bien aux yeux de tous qu'un changement radical dans la politique avait eu lieu. En réalité, comme le prouvent les lettres ci-dessus, rien n'avait changé, tant la doctrine que les procédures de la Watch Tower restèrent pratiquement les mêmes. Les mots véhiculés par les représentants de la Watch Tower étaient trompeurs, puisque les Témoins furent sujets aux mêmes sanctions s'ils recevaient une transfusion de sang ou permettaient à leurs enfants d'en recevoir une.


Conséquences et critiques

Suite à l'accord de la Watch Tower avec le gouvernement de la Bulgarie, l'acceptation d'une transfusion sanguine ne fut plus considérée comme une infraction passible d'excommunication. Ce changement fut toutefois de peu de conséquence, puisque la transfusion fut tout simplement reclassée comme infraction entraînant un retrait volontaire. Ce changement fut publié comme une lettre adressée aux surveillants itinérants en date du 26 avril 2000, et dans une autre du 21 mai 2000 intitulée "Nouvelle procédure pour traiter les cas où quelqu'un accepte une transfusion sanguine".

Le formulaire de notification des excommunications et des dissociations (S-77-E 7/01), qui entraîne une annonce à la Salle du Royaume comme quoi "Untel n'est plus Témoin de Jéhovah", inclus la transfusion de sang sous la case à cocher "dissociation", autrement dit le retrait volontaire.

En 2010, le nouveau manuel des anciens, Faites paître le troupeau de Dieu, pp. 111,112, souligna que la transfusion de sang pouvait conduire à être dissocié :

 

Prise [transfusion] de sang volontaire et sans repentance
"Si quelqu'un prend volontairement du sang, peut-être parce qu'il est sous une pression extrême, le comité devrait obtenir les faits et déterminer l'attitude de l'individu. S'il se repent, le comité fournira une assistance spirituelle dans l'esprit de Galates 6:1 et Jude 22,23. Comme il est spirituellement faible, il ne serait pas admissible à des privilèges spéciaux pour une période de temps, et il peut être nécessaire de [lui] retirer certains privilèges de base. Selon les circonstances, le comité peut également avoir besoin de prendre des dispositions pour une annonce à l'assemblée : "Les anciens ont traité une affaire ayant trait à [nom de la personne]. Vous serez heureux de savoir que les bergers spirituels s'efforcent de fournir une aide..." D'autre part, si les anciens au sein du comité déterminent qu'il est impénitent, ils devraient annoncer son retrait."


Le changement opéré ici — passage de la peine d'excommunication à celle d'un retrait volontaire — signifie que les Témoins ont en réalité été pénalisés par cette modification : en effet, lorsqu'un comité judiciaire est formé en vue d'une excommunication, l'adepte accusé peut tenter de se justifier ou de prouver son innocence et, en cas d'exclusion, faire ensuite appel; toutefois, dans le cas du retrait, l'individu est considéré comme ayant choisi, par ses actions, de se retirer de la congrégation et par conséquent n'a pas le droit de faire appel du jugement. Ainsi, malgré cette différence subtile dans la procédure, il est important de constater que les deux aboutissent au bannissement, contrairement aux termes de l'engagement contracté avec le gouvernement bulgare. Cette palinodie feintée de la part de la Watch Tower constitue un manque de respect choquant envers les autorités, car elle savait pertinemment que ses propos trompaient le gouvernement bulgare, celui-ci croyant que l'organisation religieuse s'abstiendrait de toute sanction en cas d'acceptation d'une transfusion sanguine, alors que les courriers ci-dessus indiquent clairement qu'il a toujours été question de sanctions dans cette situation.

 

Ne pouvant pas contraindre physiquement ses membres à rejeter le sang, la Watch Tower leur empêche ce choix d'un point de vue doctrinal et, par conséquent, émotionnel et psychologique qui se révèle coercitif puisque le non-respect de cet interdit est assorti de menaces de rejet de la communauté et de mort violente à Har-Maguédôn. Au moment de l'accord avec la Bulgarie, les anciens continuaient de faire ce qu'ils avaient toujours fait avec un adepte qui avait besoin de sang, à savoir discuter et prier avec lui afin qu'il reste ferme dans sa détermination à rejeter le sang, qu'il remplisse les documents juridiques pour empêcher toute transfusion et qu'il fasse clairement connaître sa position aux médecins. À certaines occasions, les anciens pouvaient même faire le pied de grue devant la chambre d'hôpital afin de s'assurer que le membre ne recevait pas de sang. Si, malgré toutes ces pressions pour se conformer à la doctrine de la Watch Tower, le Témoin acceptait le sang, il pouvait être exclu. (Note : Actuellement, dans un désir de ne pas être accusée de conduire des adeptes à la mort ce qui lui barrerait l'accès au statut de religion, la Watch Tower se montre un peu plus conciliante sur ces questions.)

 

Peut-on réellement dire qu'une personne a de la liberté de choisir un traitement médical si les dirigeants de sa religion la menacent de rejet par sa famille et ses amis et de la perte de la vie éternelle ? Ce serait comme si le bureau des impôts affirmait que les personnes sont libres de refuser de payer leurs impôts, mais que lorsqu'elles sont prises sur le fait, elles sont condamnées à la prison. En réalité, dans un tel cas, il n'y a bien évidemment pas de liberté offerte. En outre, si la Watch Tower peut essayer de contourner les définitions de la liberté, il ne fait aucun doute que c'est un mensonge éhonté de faire croire que les adeptes ne seraient pas confrontés à "des contrôles ou des sanctions" s'ils acceptaient du sang.

 

Comment la Watch Tower peut-elle justifier un tel comportement eu égard à certains versets bibliques demandant aux chrétiens de ne pas mentir (Colossiens 3:9; Jacques 3:14,15; 1 Jean 2:21; Apocalypse 21:27) et identifiant les menteurs aux enfants du Diable (Jean 8:44) ?

Ainsi, bien que le terme de "stratégie de guerre théocratique" ne soit plus utilisé dans les publications jéhovistes, le cas qui eut lieu en Bulgarie démontre que la Société Watch Tower trouve encore acceptable de suivre le principe de tromper les gouvernements dans la poursuite de ses propres intérêts, comme stipulé dans une Tour de Garde de 1957 :[2]
"Aujourd'hui, les serviteurs de Dieu sont engagés dans (...) une guerre spirituelle, une guerre ordonnée par Dieu contre les forces spirituelles méchantes et contre les faux enseignements. Les serviteurs de Dieu sont envoyés comme des brebis au milieu des loups et ont donc besoin d'exercer la plus grande prudence des serpents afin de protéger adéquatement les intérêts du Royaume de Dieu qui leur sont confiés. En tout temps, ils doivent faire très attention à ne divulguer aucune information à l'ennemi qu'il pourrait utiliser pour entraver l'œuvre de prédication."

 

Suite à cette affaire de parjure, les membres d'AJWRB sont se sont dit "dégoûtés par le comportement des responsables de la Watch Tower à cet égard. Ceux qui sont responsables de cette tromperie doivent être amenés à s'expliquer. Malheureusement, il n'y a aucun contrôle dans la Société Watch Tower qui permette de traiter la corruption quand elle se produit aux plus hauts niveaux de l'organisation."[3]

 

Ressources sur le sujet
AJWRB (anglais), "How Do You Feel About How the Watchtower Handled the Bulgarian Case?", ajwrb.org — Une partie du présent article ainsi que les scans proviennent de ce lien
Barker, Jason (1998) (anglais), "Jehovah's Witnesses: Bulgaria and Blood", The Watchman Fellowship
Grundy, Paul (anglais), "Bulgaria, the Watchtower and Blood Transfusions", JW Facts — Une partie du présent article se base sur ce lien (voir les autres scans que ce site fournit)


Références
Laporte, Christian (16 juin 2000), "Vers la levée d'une interdiction des transfusions — Les Témoins de Jéhovah "s'adaptent"", Le Soir, archives.lesoir.be. Consulté le 18 octobre 2012
La Tour de Garde (anglais), 1er mai 1957, pp. 285,286
Communiqué de AJWRB. Traduction de Chasson, Charles (11 juillet 2001), "La Watchtower a-t-elle fait un faux serment ?", prevensectes.com. Consulté le 19 octobre 2012

 

Source : http://www.tj-encyclopedie.org